Chasseur de légendes 87
Journal de bord d'un chasseur de légendes
Chapitre 87
La cité des Lumières
Depuis la fameuse nuit à l'hotel Saint-Merry, il
est vrai que vous n'avez pas eu grand chose à
vous mettre sous la dent en matière de mystères
et de frissons, ma visite à Lyon tombe à point
nommé car si j'ai eu l'occasion de vous faire visiter
une partie de la ville, vous ne savez rien ou presque
sur la face cachée de la cité des canuts, j'espère
que l'expédition qui nous conduira au coeur de
l'étrange dans les entrailles de la vieille ville
lyonnaise vous plaira.
Lyon c'est d'abord une origine légendaire comme
beaucoup de vieille cités, autrefois la ville était
appellée Lugdunum, quant à savoir précisément
d'ou lui vient ce nom, apparenté au dieu celte "Lug",
ou à la famille du mot "Lux" signifiant lumière, on
ne sait pas trop, en revanche il est question de
corbeaux, Lugdunum signifierait "Colline aux
corbeaux" en rapport aux récits sur les volatiles
peuplant la région.
Il est une histoire étrange sur le passé de
Lyon, on dit qu'un simple verre d'eau changea
le cours de l'Histoire pour la cité. En effet, le
fils de François Ier, dauphin du royaume de
France, de séjour à Lyon, eu le malheur de boire
d'un trait un verre d'eau glacée après une rude
partie de jeu de paume à Ainay. Le pauvre
s'effondra et pris la route de l'au-delà quelques
minutes plus tard après une crise de convulsion.
On fît écarteler l'écuyer qui eu l'audace de lui
apporter cette eau qu'on soupçonna d'être
empoisonnée. Le pauvre écuyer fût exécuté rue
de Grenette, il faut dire qu'il eu le malheur de
prononcer le nom de Catherine de Médicis à
l'origine de cette formenterie, car n'oublions
pas que la puissante reine voulait faire monter
sur le trône son fils à elle, Henri II.
François Ier lorsqu'il guerroyait en Italie avait
fait installer sa cour à Lyon et avait même
prévu de faire de la cité, capitale du royaume
de France car jugée économiquement supérieure
à Paris avec ses 60 000 habitants, sa proximité
avec l'Italie et ses deux bras d'eau. En apprenant
la mort de son fils, il pris en horreur la cité et
abandonna tout projet pour elle, Lyon restera
donc toujours derrière Paris, curieusement la
mort du dauphin restait par les médecins de
l'époque, inexplicable, quant à Lyon, sa destinée
fût bouleversée à cause d'un simple verre d'eau.
Parmis les animaux qui représentent le mieux la
cité, le boeuf occupe une place de choix, selon
la légende de Sainte-Blandine, protectrice de la
cité, la jeune vierge qui refusait de se soumettre
au culte romain fût jetée en pâture aux taureaux
dans l'amphithéâtre des Trois Gaulles pour y être
mise à mort car étant chrétienne. Stoïque et
inébranlable, Blandine fût mise à terre et écrasée
sous les sabots des bovins tout en jurant sa foi
éternelle à Dieu. C'est par la suite que la jeune
femme fût sanctifiée et que l'amphithéâtre garde
dans ses pierres, ce bien vilain souvenir.
En nous promenant dans le Vieux Lyon, j'eu
l'occasion d'y voir plein de bas-reliefs mettant
en scène des animaux à l'allure chimèriques, du
lion majestueux au boeuf imposant en passant
par le serpent ou le corbeau, des symbôles gravés
dans la pierre, il y en a des centaines, peut être
des milliers et c'est ce qui m'amène à vous
parler des obscures représentations religieux
de la primatiale Saint-Jean et de la basilique
Saint-Martin-d'Ainay. La cathédrale Saint-Jean
fût reconnu primatiale des Gaulles en 1079 par
le pape Grégoire VII, l'édifice doit son nom à la
relique qu'est l'os de la machoire du fameux saint.
De nombreux médaillons situés au niveau du
portail ont une évotions somme toute particulière,
on retiendra le carré des alchmistes avec sa
svatika formée par des oreilles de lièvres, ou bien
ces visages grimaçants, mi humains, mi démons, de
cette sorcière nue à califourchon sur un bouc pour
se rendre au sabbat ou bien encore le médaillon
du Lai d'Aristote, fondement de l'école
péripathéticienne ou l'on voit le pauvre homme à
quatre pattes avec sur son dos une prostituée
nue en train de lui faire l'amour.
Parmis ces médaillons, j'en ai perdu un, peut être
l'un des plus insolite, celui de la dite "Chevauchée
du repentir" ou l'on y voit un homme nu au sexe
largement proportionné en train de se faire fouetter
par une femme sur son dos, curieuse scène
sadomasochiste qui a prit une teinte vieille ivoire à
force des effleurée par des centaines de visiteurs
curieux. L'autre étrangeté de la primatiale se trouve
en son sein, l'horloge astronomique construite en 1598
par Nicholas Lippus, et apportée en 1660, horloge qui
n'arriva à sonner que 12h, 13h, 14h et 15h, mais pas
avant, ni après... curieux.
Si on devait rester dans l'insolite religieux, alors
c'est à Saint-Martin-d'Ainay qu'il faut se
rendre, on peut observer dans le choeur, une scène
étrange, celle d'Adam en train de se cacher les
yeux mais écartant les doigts pour épier le
créateur, c'est une scène assez étrange à
laquelle nous assistons, de même que celle de
la chapelle méridionale Sainte-Blandine (qui était
bien fermée) ou l'on voit le taureau auquel on
sacrifia la jeune martyre, adopter une bien étrange
relation avec la pierre de Saint-Pothin qui
symbolisait le sacrifice expiatoire d'un taureau
que l'on jetait dans la Saône (ou le Rhône mais je
n'en suis plus certain) que l'on remontait pour
ensuite l'écorcher vif (oui c'est curieux comme
procédé). Parmis les églises vues et visitées, voici
celles qui m'ont laissé une étrange impression,
mélange de sérénité et de crainte.
église Saint-Pothin (oui le même nom
que la pierre citée plus haut)
basilique Notre-Dame de Fourvière
église de la Rédemption
église Saint-Bonnaventure
église Saint-Nizier
église Saint-Paul
Bien sûr, j'ai été fortement impressionné par
Saint-Polycarpe et Saint-Bernard, mais quittons
un peu les églises tout en restant dans le religieux,
Saint-Epipoy, persécuté par les romains en 177, le
malheureux homme dû se cacher et fût arrêté près
d'une source dans laquelle il laissa tomber l'une
de ses chaussure. Bien après, alors qu'une chapelle
et une recluserie servant au culte de Saint-Epipoy,
une source a été trouvée non loin de là dans une
cave du 19, quai Pierre Scize, près de l'église
Saint-Paul si ma mémoire est bonne. Les autorités
voulaient faire interdire cette eau mais on s'est rendu
compte qu'elle était à l'origine de nombreuses
guerisons, notament de fortes fièvres et de
tremblements. Hélas cette source est toujours
interdite d'accès aujourd'hui et c'est bien dommage.
Restons dans le Vieux Lyon pour nous concentrer
sur les célèbres traboules, véritable labyrinthe
parfois impraticable pour les non-initiés et que
les romains évitaient soigneusement, c'est ici que se
cachaient les premiers chrétiens persécutés et
c'est ici que le spadassin Mandrin, figure légendaire
du Vieux Lyon, venait commercer et traffiquer
avec les bourgeois de la ville, il empreintait une
galerie souterraine qui passait sous la Saône, elle
démarrait au 16 rue du Boeuf et se prolongeait
jusqu'à Vaise, mais elle fût condamnée car
menaçant de s'écrouler. On peut y retrouver des
animaux fossilisés car l'ancienne mer miocène
s'arrêtait aux collines lyonnaises de même que des
pierres provenant des glaciers sont encore
présents, cette formation géologique fragile est
à l'origine des collines de Fourvière et de la
Croix-Rousse. Pour en revenir à la galerie, personne
ne sait ce qu'il y a au bout et bon nombre de
récits planent sur cet obscure chemin et sur
Mandrin, le gardien des traboules.
Il est encore bien des mystères qui subsistent
dans le Vieux Lyon mais aussi à la Croix Rousse,
l'autre grand quartier très emblématique, oui je
parlais des roches et des glaciers, comment ne
pas évoquer l'histoire du Gros Cailloux, qui
génait la construction du funiculaire Ficelle-Croix-
-Paquet, reliant la place de la Croix Paquet au
sommet de la Croix Rousse. On pense que cet
aérolithe a été charié par les glaciers il y a de
cela plusieurs millénaires, mais on dit aussi de cette
étrange pierre, qu'elle est d'origine druidique et
que ses fonctionnalités sont sacrées. Mystère, en
tout cas, ce cailloux continue à perturber le
paysage et à faire rêver les curieux.
Nous sommes d'ailleurs au sommet de la Croix
Rousse, les immeubles y sont vertigineux, certains
atteignent les 8 ou 10 étages et sur une pente
aussi raide, ça relève de l'exploit, véritable
labyrinthe renfermant quelques monstres comme
l'église Saint-Bernard (de par sa taille) ou la
cour des Voraces (de par son nom et sa taille),
débouchant sur des culs de sac ou des curiosités
comme ce gros cailloux, ce quartier m'a laissé une
forte impression, un sentiment d'onirisme
m'envahissait, je levait la tête au ciel pour scruter
les toits des immeubles et le vertige commençait à
m'envahir, nous étions en hauteur, je revoyais l'image
du cailloux dans ma tête, pensant qu'il allait
basculer dans la Saône, que tout allait s'écrouler,
brrr, il était temps de redescendre.
Il me reste à évoquer les deux grands sujets
qui font la magie et le charme de Lyon, les messes
noires et la fête des lumières, autant commencer
par le moins gai des deux, certainement l'histoire la
plus terrifiante que je connaisse sur la ville.
L'ancienne Lugdunum était en effet une cité ou les
sacrifices pour apaiser le maître des ténèbres
étaient monnaie courante. D'ailleurs Lyon fût un
temps considérées comme la capitale des messes
noires. Réputation accentuée par le livre de l'écrivain
Huymans "Là-bas" ou l'on y parlait justement de
ces fameuses messes, sans oublier l'abbé Boullan, un
original qui officiait selon les rites kabbalistiques
au 7 rue de la Martinière.
Le culte de Satan remonte à loin, les vestiges
du temple de Cybèle derrière le théâtre antique
de Fourvière était le lieu de culte d'une secte
mi-païenne, mi-chrétienne, prônant les rites
démoniaques et les sacrifices humains, c'était
le rendez-vous des sorcières et des adorateurs
de Satan et croyez moi, je n'ai aucune envie de me
retrouver à une heure tardive dans un lieu pareil
avec une telle compagnie. Une autre histoire, celle
du père Jandel en 1856 deffraie la chronique,
accosté à la sortie de la cathédrale Saint-Jean par
un inconnu, l'invitant à se rendre dans une chambre
pour mettre à l'épreuve son enseignement. Cette
chambre, située sur la montér du Gourguillon était
déjà occupée par des satanistes, au centre trônait
un grand individu tout de noir vétu, dont le visage
était caché par un large chapeau noir.
Effrayé, le père dominicain brandissa son crucifix
en se signant de la croix, celui qu'on appellait le
"Maître" disparu aussitôt dans un nuage de fumée
noire en poussant un grognement épouvantable qui
ébranla toute la batisse et provoqua la panique
générale. Ces propos ont été rendu avec la plus
grande sincérité dans un rapport adressé à
l'abbé de Bauzelaire, secretaire général de
l'evêché de Saint-Dié, le raport s'intitulait "Satan
qui est tu ?" Alors c'est vrai qu'on peut douter des
faits, mais nul doute que le Vieux Lyon et ses
innombrables galeries ont été les témoins
d'evenements étranges, inexplicables et que
bon nombre d'esprit tourmentent encore les
traboules et la colline de Fourvière.
Il est temps de passer à l'histoire la plus célèbre
de Lyon et de sa région, il s'agit d'une tradition
qui consiste à placer une chandelle allumée à sa
fenêtre. Ce geste remonte au XVIIIème siècle
alors que la ville était ravagée par la peste, le
clergé pria la Vierge Marie de les guerir de ce
terrible maux et promis de faire un pélerinage sur
la colline de Fourvière tous les ans, le 8 décembre.
Miraculeusement, la peste cessa de tuer, mais au
bout de quelques temps, c'est le choléra qui fît
son apparition, l'église renouvella donc ses voeux et
comme par miracle, le choléra s'estompa et cessa
de faire des victimes.
En 1852, on pense à dresser sur l'inauguration
d'un nouveau clocher, une satue en bronze doré
de la Vierge Marie, pour la remercier et commémorer
le voeu des échevins datant de 1643. La date choisit
fût le 8 septembre, lorsqu'on s'apprétait à couler
le métal, une pluie diluvienne s'abatta sur la ville
obligeant à reporter la cérémonie, d'autant que la
Saône avait débordé et noyé les ateliers pour
interrompre les travaux. Le 8 décembre, fête de
l'Immaculée Conception, l'inauguration est enfin
prête, mais voilà qu'un orage encore plus fort que
le précédent obscurcit le ciel de la cité et obligea
les habitants à reporter la fête.
Le dimanche suivant, dans la soirée, les pluies
torrentielles cessèrent brusquement et
immédiatement, tous les habitants allumèrent
des bougies pour les mettre à leurs fenêtres en
guise de reconnaissance envers le ciel et la sainte
Vierge. C'est depuis que cette tradition se perpétue
dans une chaîne de fraternité et de reconnaissance
et que l'on appelle aussi Fête des Lumières, jour
sacré pour les lyonnais. Cette jolie fête permet à la
ville de se vétir pour l'occasion d'une jolie décoration
faite de guirlande de lumignons et contribuant ainsi
à la magie d'exister entre les murs de cette cité.
En déambulant dans la ville de Lyon, j'ai pu y
découvrir des milliers de choses, des spécialités
culinaires, culturelles, des traditions, des noms,
des monuments, des histoires, mais aussi un ressenti
nouveau qui contribue à renouveler ma pensée, qui
est que chaque ville possède une âme, une
personnalité, un visage, Lyon possède une personnalité
fantasque, torturée mais étrangement optimiste et
tournée vers l'avenir sans renier son héritage et
son patrimoine. Les statues chimériques et
magnifiquement conservées vont dans ce sens et
c'est avec fascination que les observait et que je
continue à le faire en visionnant mes clichés.
"La chevauchée fantôme"
J'avais même commencé un tableau photographique
tellement j'étais dans cet esprit de rêve, d'étrange
et de merveilleux, la "Chevauchée Fantôme" que je
vous montre ci-dessous, certains apprécieront,
d'autres détesteront, c'est un projet que je n'ai
jamais sû terminer (comme souvent) et qui a cet
aspect de "non fini", il faudrait que je m'y remette
et que je partage avec vous l'aspect final. En
attendant, je vous invite à arpenter encore un peu
avec moi, les rues sinueuses et sombres de Lyon
à la recherche de quelques démons et merveilles.
Que ce soit au cimetière de Loyasse ou
bien sur la Presque île.
De la Presque île à Fourvière.
En s'arrêtant longuement dans la
basilique quand même.
De Fourvière à la Part-Dieu.
De la Part-Dieu à la Tête d'Or.
Je crois que nous arrivons à la fin de cette
aventure lyonnaise ou j'ai essayé d'y étaler le
maximum de clichés et de connaissances que
j'avais sur ce côté obscur de cette cité si
radieuse (rien à voir avec celle de Marseille, mais
si vous savez le gros bloc de logement imaginé
par Le Corbusier), de l'origine de la ville à la fête
des lumière en passant par les traboules et
l'insolite des églises, il me semble avoir rempli
ma mission en espérant que votre très longue
attente sera comblée après lecture et votre
infinie patience ainsi récompensée.
Et je crois que après avoir eu connaissance de
la tradition de la fête des lumières et après
avoir vu les superbes et lumineuses églises, façades
à l'italienne, les couleurs chaudes, les éclairages
chaleureux et la richesse d'une telle ville, je crois
que son surnom de Cité des Lumières, n'est
pas volé, loin de là.