Chasseur de légendes 65
Journal de bord d'un chasseur de légendes
Chapitre 65
La Montagne Sacrée
Si le titre est un clin d'oeil au film épnyme rendant
hommage à l'oeuvre de Carlos Castaneda, le célèbre
écrivain brésilien spécialisé dans le chamanisme et la
magie ? Oui et non, disons que ça n'a aucun rapport à
première vue mais qu'en y regardant bien on peut y
trouver des similitudes. Ce récit date de 2006, j'ai
mis quelques temps avant de me décider à le publier,
d'une part parce que je n'étais pas vraiment sur les
lieux et d'autre part parce que je ne connaissais pas
assez les mystères du Mont Sainte Odile.
Le Mont Sainte Odile est l'un des lieux les plus
chargés de l'Est de la France, un lieu de mémoire,
d'Histoire, de drame et de tragédie. Je m'en rappelle
bien, c'était lors de ma visite au camp de concentration
du Struthof-Natzwiller, un lieu aussi sinistres que les
sommets désolés qui l'entourent en hiver. On pouvait voir
le fameux mont derrière les étendues souillées du camp.
Le Mont Sainte Odile est vénéré depuis l'âge de bronze,
c'est à partir de cette période qu'on a longtemps cru
qu'avait été bati le Mur Paien, un mur d'enceinte au pied
du mont qui aurait résisté aussi bien aux affres du temps
que ceux engendrés par la guerre. C'est qu'il y en a eu des
conflits entre celtes et latins, entre gaulois et romains.
Ce mur parait indestructible... inaltérable, c'est d'ailleurs
la légende qui lui a été attribué, un formidable vestige,
témoin de toutes les époques.
Le Mont abrite aussi le célèbre monastère, ce qui
m'amène à vous narrer la vie de Sainte Odile, fille
chétive et aveugle du duc d'Alsace Etichon. Dans sa
grande déception, le duc ordonna qu'on tue cet enfant
(le bougre voulait un garçon en plus), sa mère la fit
cacher dans un couvent à Palma en Bourgogne, elle
y fût élevée jusqu'à ses 12 ans, l'année du miracle.
La jeune fille recouvrît la vue lorsque l'évêque de
Ratisbonne vint la baptiser. et fût baptisée
Odile, la fille de la lumière.
Odile voulu rentrer voir ses parents, son frêre Hugues
qui était justement à sa recherche (le hasard fait bien
les choses) la ramena à son père. Ce dernier toujours
aussi fou et n'appréciant pas les plaisanteries
douteuses, tua le jeune homme... il chercha à faire
marier de force sa fille (dans un élan de repentir...
mouais) mais celle ci alla se cacher dans un rocher de
la Forêt Noire. Oui oui dans un rocher, devant un tel
miracle, le duc s'inclina et laissa sa fille libre, il lui
donna le château de Hohenbourg sur l'ordre de
Saint Léger, l'évêque d'Autun.Château stratégique se
trouvant sur la montagne Altitona (la montagne haute).
Le château de Hohenbourg devient donc un monastère
et la généreuse Odile fonda Niedermunster au pied
du mont pour y recueillir les pauvres, les malades et
les infirmes. En l'an 720, un ange viendra même
assister Odile à sa mort avant de devenir une sainte.
Si le monastère est toujours présent et est devenu
un hotel, on ne peut pas dire que les derniers
évènements ayant eu lieu ici soient très réjouissants.
Le Mont Sainte Odile est désormais entaché, d'une
part à cause de la construction de cet horrible camp
de concentration situé sur un sommet voisin. Un lieu
hautement chargé de souffrance et de desespoir, un
endroit qui fait froid dans le dos qu'on on pense à
tous ces malheureux déportés entre ces murs
funestes. Le "konzentrationslager" marqera a jamais
les pentes de la montagne, à tel point qu'on a
l'impression que l'herbe ne repoussera jamais plus.
Le Mont a aussi une sinistre réputation, celle
du crash aérien du 20 janvier 1992 à 19h20
tuant 87 personnes et ne laissant que 9 survivants.
La sainte aurait elle abandonné les siens ? Ce n'est
pas dans les châteaux en ruines cachés dans les
environs que l'on y trouvera une réponse, celui de
Landsberg parait sinistre et celui de Hagelschloss
n'a rien de bien tentant non plus. Tout semble
désolé, laissé tel quel, comme si la bienveillance
d'Odile avait quitté la montagne.
Je suis toujours au camp, après avoir vu les chambres
à gaz, les dortoirs, le réfectoire, les couloirs souterrains
creusés par les prisonniers, le musée rappellant quelques
autres horreurs, la lanterne des morts et le monument
commémoratif, je ne peux m'empêcher de penser à une
chose, ou est donc passée la vie ?
Fin mars 2006, camp de concentration du
Struthof-Natzwiller, mes pieds s'enfoncent dans la
neige, nous sommes par une belle journée de début
de Printemps et pourtant il fait un froid de canard, le
soleil semble avoir déserté le ciel dès lors que nous nous
sommes enfoncés dans les sombres montagnes des
Vosges. Je suis à quelques kilomètres à l'est du mont
Sainte Odile, je peux l'appercevoir suivant l'ange ou je
me trouve, la vie et la fertilité ont fait place à la
mort et à la désolation.